Covid-19 : même indemnité pour les salariés en télétravail que les télétravailleurs réguliers
Selon le tribunal judiciaire de Paris, tous les salariés placés en télétravail du fait de la situation sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 sont dans une situation identique à celle des télétravailleurs réguliers, et peuvent bénéficier d’une indemnité forfaitaire conventionnelle destinée à compenser les frais liés au télétravail.
En cas de circonstances exceptionnelles (épidémie, cas de force majeure), la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.
Cas concret
Un employeur limite le versement de l’indemnité prévue conventionnellement aux salariés ayant signé un avenant à leur contrat de travail relatif au télétravail et refuse les demandes des autres salariés de signer un avenant à leur contrat compte tenu de la situation sanitaire. Les quatre organisations syndicales ayant signé l’accord collectif saisissent le tribunal judiciaire afin qu’il soit ordonné à l’employeur de verser à tous les salariés en télétravail une indemnité de 5 € par jour effectivement télétravaillé. Ils demandent également d’ordonner à l’entreprise d’appliquer loyalement l’accord télétravail en examinant les demandes des salariés au regard des critères conventionnels d’éligibilité, et de verser à chaque syndicat des dommages et intérêts en réparation de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession pour déloyauté dans l’exécution de l’accord.
À noter :
- La saisine du tribunal judiciaire émanait non seulement des 4 organisations syndicales signataires de l’accord collectif, mais aussi du comité social et économique d’établissement du siège de l’entreprise. Les demandes du CSE ont été déclarées irrecevables par le tribunal judiciaire, au motif qu’il n’entre pas dans les prérogatives de cette institution de formuler des demandes de régularisation des droits des salariés ou de solliciter l’application d’un accord collectif.
- Le tribunal judiciaire a en revanche rejeté les conclusions de l’employeur visant à faire déclarer les 4 organisations syndicales irrecevables dans leur demande de versement d’indemnités à tous les salariés en télétravail au motif que, si un syndicat peut agir aux fins de déterminer collectivement les droits des salariés, il ne peut formuler des demandes visant à mettre en œuvre ces droits à une échelle individuelle.
La question posée au tribunal est donc de savoir si l’employeur peut opérer une différence de traitement entre les salariés en situation de télétravail à temps complet du fait de la crise sanitaire en octroyant une indemnité de 10 € maximum par semaine aux salariés signataires d’un avenant relatif au télétravail régulier sur le fondement de l’accord collectif, et en refusant de la verser aux autres salariés, non signataires d’un avenant.
Une différence de traitement injustifiée car reposant sur l’exécution déloyale de l’accord collectif
Selon le tribunal, l’ensemble des salariés se trouvent sous le même régime juridique de mise en œuvre du télétravail, l’employeur ayant indiqué avoir placé tous les salariés en télétravail au visa de l’article L 1222-11 du Code du travail, et non sur critères d’éligibilité.
En outre, la différence de traitement reposant sur le versement de l’indemnité de télétravail aux salariés signataires d’un avenant relatif au télétravail ne saurait constituer une raison objective et matériellement vérifiable puisqu’elle repose sur une exécution déloyale de l’accord collectif. L’employeur a en effet empêché les autres salariés d’y prétendre dès le 16 mars 2020, et ce jusqu’à la reprise à la normale de l’activité au siège en gelant toutes les demandes des salariés de signer un avenant, sans délai butoir ni aucun critère objectif et pertinent avec l’objet de la convention.
Le tribunal judiciaire condamne l’employeur :
- à verser à tous les salariés en télétravail du fait de la crise sanitaire une indemnité de 5 € par jour effectivement télétravaillé à compter du 4 mai 2021, date de l’assignation en justice, puisque la régularisation ne peut pas rétroagir au-delà de la demande en justice, sous astreinte, mais pas pour l’avenir. Il précise toutefois que doivent être déduites du montant de cette indemnisation les indemnités versées aux salariés en télétravail dit régulier sur la même période, afin de ne pas générer de sommes indues.
- à appliquer loyalement l’accord relatif au télétravail en examinant les demandes des salariés conformément à la procédure et aux conditions d’éligibilité prévues par l’accord.
- à verser aux quatre syndicats des dommages et intérêts au titre du préjudice.
À noter :
On relèvera que le tribunal fait droit à la demande des syndicats d’ordonner de verser à tous les salariés en télétravail du fait de la crise sanitaire une indemnité de 5 € par jour effectivement télétravaillé et que cette indemnisation va au-delà de ce que prévoit l’accord collectif pour les télétravailleurs réguliers (qui ne peuvent prétendre qu’à une indemnisation de 10 € maximum par semaine, à raison de 2 jours de télétravail).
On rappellera de plus, que le principe d’égalité de traitement entre tous les salariés « à travail égal, salaire égal », interdit toute différence de traitement entre des salariés placés dans une situation identique ou tout au moins, oblige à ce que toute inégalité soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes.
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