Saisie par les conseils de prud’hommes de Louviers et Toulouse pour avis, la Cour de cassation a tranché : le barème d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est, selon elle, compatible avec la convention de l’OIT.
Ce barème a fait polémique depuis plusieurs mois, et divisé les conseils de prud’hommes. Certains conseils ont reconnu la conformité de ce barème aux textes internationaux, mais d’autres (dont certains présidés par un juge professionnel), ont décidé d’écarter son application sans avoir pu valider son adéquation avec les articles 24 de la charte sociale européenne et 10 de la convention 158 de l’OIT qui prévoient le droit de percevoir une indemnité adéquate pour les travailleurs licenciés sans motif valable.
D’après le barème de l’article L 1235-3 du Code du travail, le montant de l’indemnité pour licenciement abusif est compris dans une fourchette qui varie en fonction de l’ancienneté du salarié : le maximum de l’indemnité est de 20 mois de salaire, pour les salariés ayant au moins 30 ans d’ancienneté.
La décision était très attendue
L’avis de la Cour de Cassation a été très attendu, d’autant qu’elle a, par le passé, refusé de rendre son avis sur des questions de compatibilité d’une disposition de droit interne avec une convention internationale : il n’y avait pas de garantie qu’elle accepte de statuer. Elle a ici décidé que « la compatibilité d’une disposition de droit interne avec les dispositions de normes européennes et internationales peut faire l’objet d’une demande d’avis, dès lors que son examen implique un contrôle abstrait ne nécessitant pas l’analyse d’éléments de fait relevant de l’office du juge du fond, et que […] la procédure de demande d’avis a pour objectif d’assurer, dans un souci de sécurité juridique, une unification rapide des réponses apportées à des questions juridiques nouvelles , au nombre desquelles figure l’analyse de la compatibilité de notre droit interne aux normes supranationales »
Cependant le cour de Cassation ne se prononce que sur la compatibilité du barème avec l’article 10 de la convention 158 de l’OIT. Elle ne se prononce pas sur l’article 24 de la charte sociale européenne, qui selon elle n’a pas d’effet direct : cette charte laisse selon elle une marge d’appréciation trop importante en fonction des pays signataires.
Le barème « Macron » est compatible
D’après l’article 10 de la convention OIT, si les juges « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, […] et s’ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate, ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». La Cour de cassation a estimé que le terme « adéquat » réserve aux Etats concernés une marge d’appréciation : en droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, et si la réintégration est refusée par l’une ou l’autre des parties, une indemnité est octroyé au salarié dans les limites du barème, ce dernier étant écarté en cas de nullité du licenciement.
La Cour de Cassation ajoute dans une note explicative que le barème, qui prévoit notamment pour un salarié ayant un an d’ancienneté (dans une entreprise d’au moins 11 salariés) une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un mois de salaire brut et 2 mois de salaire brut, répond aux exigences de la Convention, car « l’Etat [français] n’a fait ici qu’user de sa marge d’appréciation ».
La fin du débat reste à venir
La décision de la Cour de cassation ne clôt pas forcément le débat définitivement. Des conseils de prud’hommes et Cours d’Appel pourraient opposer une résistance à cet avis. Les premières décisions des juges d’appel, d’ici à la fin de l’été ou à l’automne, donneront le ton mais même si les juges du fond ne sont pas tenus de suivre cet avis, la chambre sociale jugera conformément à cet avis en cas de pourvoi.
Au plan international , des recours ont été déposés par des organisations syndicales devant la Cour européenne des droits de l’Homme et de l’OIT , ainsi que devant le comité européen des droits sociaux (CEDS).
Le CEDS a d’ailleurs condamné un dispositif de plafonnement des indemnités instauré en Finlande, assez proche de celui en vigueur en France, au motif « que le salarié injustement licencié doit percevoir une indemnité d’un montant suffisant pour réparer le préjudice postérieur à la perte de l’emploi et avoir un effet dissuasif à l’égard de l’employeur ».
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