La cour de Reims a été la première à statuer : si elle juge le barème « Macron » conforme aux textes internationaux, elle accepte que le juge ne l’applique pas, sur demande du salarié, en cas d’indemnisation jugée non-adéquate.
Cette première décision était fort attendue, puisque depuis un an de nombreux conseils de prud’hommes ont décidé d’écarter l’application du barème d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en invoquant le fait qu’il contredirait la Charte Sociale Européenne et la Convention 158 de l’OIT, qui reconnaissent toutes deux le droit à une indemnité adéquate aux travailleurs licenciés sans motif valable. La Cour de Reims s’est prononcée : le barème « Macron » peut être écarté au cas par cas, même s’il est jugé cohérent avec les textes internationaux cités plus haut.
Petit rappel :
D’après le barème « Macron », le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris dans une fourchette qui varie en fonction de l’ancienneté du salarié : au maximum, elle serait de 20 mois de salaire pour les salariés ayant au moins 30 ans d’ancienneté.
Le raisonnement de la Cour de Reims
Le raisonnement justifié du juge de la Cour de Reims s’articule en 3 temps :
Dans un premier temps, il estime qu’une indemnité adéquate n’implique pas nécessairement une réparation intégrale du préjudice, mais simplement une indemnisation d’un montant raisonnable pour le préjudice et suffisant, ce qui n’est pas incompatible avec l’instauration d’un plafond limite.
Dans un deuxième temps, elle considère que le dispositif prévu par le Code du travail peut lui-même porter atteinte au droit à une indemnisation adéquate et appropriée : les plafonds d’indemnisation sont faibles pour les salariés ayant peu d’ancienneté et ils cessent d’évoluer à partir de 29 ans d’ancienneté. ils sont donc enserrés entre un plancher et un plafond, et les prud’hommes ne peuvent pas librement individualiser le préjudice de perte d’emploi et sanctionner l’employeur.
Mais dans un troisième temps, ces atteintes potentielles au droit à une indemnisation appropriée lui paraissent « légitimes et proportionnées ». Légitimes car les dispositions en cause ont une base légale et démocratique. Proportionnées car l’indemnisation reste soumise au jugement souverain des juges du fond, dans les limites des fourchettes prévues au barème. L’amplitude de la fourchette n’est pas considérée comme incitant, en elle-même, au licenciement. Pour la cour d’appel de Reims, « le contrôle de conventionnalité est donc exercé de façon objective et abstraite sur l’ensemble du dispositif, pris dans sa globalité».
L’écartement du barême dans certains cas :
Pour la Cour d’Appel de Reims, le contrôle de la conventionnalité du barème peut ici s’applique « in concreto », c’est à dire en contrôlant les circonstances de son application. Il s’agit donc pour le juge de déterminer, dans chaque cas d’espèce, si le barème peut être appliqué ou doit être écarté car la réparation ne serait alors pas adéquate.
Une seule condition à ce « cas par cas » : il ne peut être exercé que si le salarié le demande expressément au juge car « la recherche ne saurait être exercée d’office par le juge du fond qui ne peut, de sa seule initiative, y procéder en écartant, le cas échéant, un dispositif dont il reconnaît le caractère conventionnel ». Mais le salarié n’a pas besoin « de justifier au préalable d’un préjudice de perte d’emploi supérieur au plafond d’indemnisation correspondant à son ancienneté ou qu’il démontre avoir subi un tel préjudice qui ne serait pas réparé de façon adéquate ou appropriée ».
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