Raison d’être validée par clause statutaire, intérêt de l’entreprise, enjeux sociaux et environnementaux de son activité : nouveaux postulats en termes de gestion.
Depuis la Loi Pacte, l’entreprise peut avoir une « raison d’être » validée par une clause statutaire, et doit être gérée dans son intérêt tout en tenant compte des enjeux sociaux et environnementaux de son activité. Décodage de ce que cela implique en termes de gestion :
Raison d’être de l’entreprise
La loi Pacte développe la notion d’intérêt social : il est à présent possible de préciser la raison d’être de la société dans les statuts, comme le proposait le rapport Notat-Senard (« l’entreprise, objet d’intérêt collectif »). Cependant ces deux concepts n’y sont pas clairement définis, sauf pour préciser les sanctions de la méconnaissance de l’intérêt social.
Selon l’article 169, les statuts de la société « peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». Cette résolution complète aussi le Code de commerce par une obligation s’adressant spécifiquement aux conseils d’administration et au directoires des sociétés anonymes à prendre « en considération, s’il y a lieu, la raison d’être de la société définie en application de l’article 1835 du Code civil ». Ces « principes dont la société se dote » diffèrent de l’objet social : ils n’évoquent pas la nature de l’activité de la société. Ils décrivent plutôt une « ambition » que les associés se proposent de poursuivre.
La raison d’être « vise à rapprocher les chefs d’entreprise et les entreprises avec leur environnement de long terme ». Sa mention statutaire encourage la société à ne plus s’orienter « par une seule « raison d’avoir », mais également par une raison d’être, forme de doute existentiel fécond permettant de l’orienter vers une recherche du long terme ». La raison d’être peut « avoir un usage stratégique, en fournissant un cadre pour les décisions les plus importantes », car comme « une devise pour un État, la raison d’être pour une entreprise est une indication, qui mérite d’être explicitée, sans pour autant que des effets juridiques précis y soient attachés ».
Heureusement, la raison d’être soit définie peut être synthétique (par exemple « Développer ensemble un modèle de croissance et un écosystème responsable »). Cependant, elle peut avoir des implications juridiques et mérite souvent d’en détailler les grandes lignes de façon limitative : elle est notamment de nature à empêcher la société de décider de certaines actions importantes (délocalisation, restructuration, partenariats industriels),puisque dans l’exemple ci-dessus la recherche de la seule rentabilité ne correspond pas à « l’ADN » de l’entreprise.
Certaines sociétés préfèrent se doter d’une raison d’être « extrastatutaire » : elle peut être définie en concertation avec les partenaires et validée par le conseil d’administration. La société peut aussi demander à ses actionnaires d’en approuver une résolution sans intégrer celle-ci dans les statuts : elle peut alors être adoptée avec la majorité prévue pour les décisions ordinaires.
Point important : la méconnaissance de la raison d’être par un dirigeant constituera une violation des statuts de nature à engager sa responsabilité à l’égard de la société et des associés, mais uniquement dans le cas d’une décision de gestion incompatible avec une raison d’être figurant dans les statuts. Selon les éditions Francis Lefèbvre, que la raison d’être figure ou non dans les statuts, sa méconnaissance pourrait donc constituer un juste motif de révocation du dirigeant.
L’intérêt social et les enjeux sociaux et environnementaux de l’activité
Le Code civil exige de toute société qu’elle ait un objet licite et qu’elle soit constituée dans l’intérêt commun des associés. Un alinéa à l’article 1833 précise que la société doit aussi être gérée « dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Une disposition existe dans le Code de commerce, concernant les pouvoirs du conseil d’administration et du directoire des sociétés anonymes : ils doivent déterminer les orientations de l’activité de la société « conformément à son intérêt social et en prenant en considération ses enjeux sociaux et environnementaux ».
En cas de non-respect de l’article 1833 du Code Civil, la société n’est pas sanctionnée comme « nulle », de mêmes que ses actes et délibérations passés ne sont pas annulés dans le cas d’une décision de gestion non conforme à l’intérêt social. Par contre, ces modifications du Code Civil et du Code du Commerce qualifient expressément de « disposition impérative » le nouveau principe de prise en compte de l’intérêt social et des enjeux sociaux et environnementaux.
La notion d’intérêt social n’est pas définie par la loi car « la pertinence de son application pratique repose sur sa grande souplesse, ce qui la rend rétive à tout enfermement dans des critères préétablis. Les éléments nécessaires pour déterminer si une décision est ou non contraire à l’intérêt social dépendent en effet trop étroitement des caractéristiques, protéiformes et changeantes, de l’activité et de l’environnement de chaque société », selon l’exposé des motifs du projet de loi/
Cette consécration de l’intérêt social valide législativement un aspect essentiel de la gestion des sociétés : « le fait que celles-ci ne sont pas gérées dans l’intérêt de personnes particulières, mais dans leur intérêt autonome et dans la poursuite des fins qui leur sont propres », toujours selon l’exposé des motifs.
Les enjeux sociaux et environnementaux dans la prise de décision oblige le dirigeant à les « considérer avec attention », de façon adaptée à chaque société, notamment en termes de taille et d’activité. Un exemple donné par l’exposé est que l’incidence sur l’environnement de « l’empreinte carbone » générée par une société industrielle constituera un enjeu environnemental pour celle-ci.
La méconnaissance des enjeux sociaux et environnementaux de dépend pas d’un régime spécifique de responsabilité extracontractuelle du dirigeant. Toute action en justice concernant l’absence de prise en considération de ces enjeux continuera de dépendre du droit commun des sociétés. Le seul constat d’un dommage environnemental ou social ne suffit donc pas à mettre en jeu la responsabilité d’un dirigeant, sauf si ce dommage résulte de sa méconnaissance fautive d’un tel enjeu.
La méconnaissance des enjeux sociaux et environnementaux peut elle aussi constituer un juste motif de révocation du dirigeant.
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